Soupçons Magiques, le 5e roman de la série Vegas Paranormal/Club 66, parait le 15 septembre 2020. En voici le 1er chapitre, histoire de vous mettre l’eau à la bouche. 😉
Il ne fait jamais vraiment nuit à Las Vegas. Pas avec les millions de néons qui illuminent le ciel. Et certainement pas depuis que Sin City était sous cloche.
Le dôme qui recouvrait Las Vegas isolait la ville du reste du monde. C’était une barrière invisible et ultra-résistante, créée par la Douane afin de contenir la magie qui s’enfuyait des ley lines, ces rivières d’énergie qui couraient sous Sin City. Un effet secondaire était de barrer le passage à tout être surnaturel, dans un sens comme dans l’autre.
Sous cette bulle, un perpétuel nuage d’énergie luisait jour et nuit, ses couleurs changeantes accordées aux néons des façades, ses paillettes miroitantes en harmonie avec l’esprit des lieux. Et les habitants se remettaient à peine de la tempête qui avait balayé leurs vies. J’étais comme tout le monde, à la recherche d’une nouvelle routine dans une ville meurtrie.
Dans cette fausse nuit psychédélique, les rues défilaient comme des décors de jeux vidéo. Les roues de ma moto dérapaient sur la boue qui imprégnait encore l’asphalte. Autour de moi, seuls circulaient de vieux modèles de voitures. La tempête magique qui avait fait rage pendant des jours avait détruit les composants électroniques les plus modernes.
Comme le service GPS ne fonctionnait plus, je devais m’arrêter une fois de temps en temps pour vérifier mon plan papier.
— Fie-toi à ton intuition, intervint l’épée que je portais en travers du dos. Tu dois être capable de sentir où ton travail de walkyrie t’appelle.
— Gna-gna-gna, marmonnai-je sous mon casque.
J’étais encore une walkyrie débutante, OK ? Jusque-là, j’avais eu deux jobs à mener — deux personnes, mortes au combat, qu’Odin avait trouvées dignes de rejoindre le Valhalla. Mon boss divin m’avait emmenée sur place à chaque fois, et seule la seconde trépassée avait accepté l’offre. Pour ma troisième mission, Odin avait tout juste daigné m’envoyer un message contenant une adresse, et une heure. 3655 South Las Vegas Boulevard, 4 h 8 du matin.
Au centre de la ville, la magie brute s’échappait de la ley line en une colonne lumineuse. L’énergie montait droit vers le ciel avant de se heurter au dôme, quelques centaines de mètres au-dessus du Strip. La magie tournait sous cloche comme une bête en cage avant de trouver la brèche ouverte dans le dispositif. Alors l’énergie s’enfuyait au-dessus du lac Mead, s’engouffrait dans le Grand Canyon, et remontait le cours du Colorado, tempête que seuls les êtres surnaturels pouvaient ressentir. Du moins, c’est ce que les contacts de Britannicus lui avaient rapporté. Personne de ma connaissance n’était allé voir si loin.
Sur Flamingo Road, les feux de signalisation étaient toujours en panne. À chaque intersection, un policier en poncho jaune fluo faisait la circulation.
— Prends à droite ! intervint l’épée.
Je changeais précipitamment de file, m’attirant de furieux coups de klaxons de la part d’une camionnette décrépie, dérapais dans une flaque de boue plus visqueuse que les autres, rétablis l’équilibre de ma moto d’un coup de reins, et m’engageais à droite, sur le Strip.
Presque aussitôt, je butais sur un embouteillage. Une douzaine de véhicules s’étaient arrêtés devant les fontaines du Bellagio. Les plans d’eau avaient enfin dégelé, et une poignée d’employés se tenaient dans le bassin vide, les pieds dans la boue, occupés à dégager les dépôts bruns.
— Regarde de l’autre côté ! grogna l’épée.
Un îlot central planté de palmiers divisait le boulevard. Au-delà des pauvres arbres dévastés par la tempête trois camions de pompiers bloquaient les voies. Le plus grand avait déployé son échelle, et je levai la tête pour voir de quoi il retournait.
À Las Vegas, la plupart des Casinos exploitent un thème, comme des parcs d’attractions pour adultes. Tel établissement dédié à l’Égypte ancienne a pris la forme d’une pyramide. Un autre s’est déguisé en château de conte de fées. Un troisième avait reconstitué en intérieur les rues de Paris, et arborait en façade une reproduction de la tour Eiffel. La tour ne mesurait que la moitié de l’originale, mais ça lui faisait tout de même cent soixante et quelques mètres de haut. Et c’était vers cette tour que s’étendait la grande échelle du camion de pompiers.
— Gare-toi, ordonna l’épée.
Je ne l’avais pas attendue. Je faufilai la moto entre les voitures à l’arrêt, leurs conducteurs hypnotisés par ce qui se déroulait de l’autre côté du boulevard, montai sur le trottoir et me garai contre la balustrade en pierre du Bellagio. Je laissai mon casque posé sur la moto et traversai le boulevard. Un groupe de pompiers se lançait à l’assaut de l’échelle. Je suivis leurs regards. Plusieurs dizaines de mètres plus haut, un type en costume chic était accroché à la structure de la tour.
Le type se retourna pour évaluer l’avancée des pompiers en contrebas, et son pied glissa sur une poutre. Je laissai échapper un hoquet de peur. Le type se rétablit tant bien que mal, le front désormais pressé contre le métal de la tour.
— Ça va mal se finir, prédit l’épée.
J’avais le même pressentiment.
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Voilà!
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