Le 3 juillet 2019, je suis tombée par hasard sur une couverture de livre « prête à publier » (comme du prêt-à-porter, mais pour les livres). J’étais sur le point de commencer le premier roman d’une nouvelle série, roman pour lequel j’avais déjà une couverture. Mais le design que j’avais sous les yeux était énergique, unique, et m’a immédiatement conquise. Seul problème: le personnage représenté était un homme. Jusque là je n’avais écrit que des personnages féminins, et je ne me sentais pas prête à me glisser dans la peau d’un mec. Sauf que je suis faible face aux belles couvertures (mes complices des Plumes de l’Imaginaire et notamment Charlotte Munich peuvent le confirmer). J’ai acheté la couverture, et j’ai commencé à créer le personnage qui allait avec. C’est ainsi qu’est né Germain Dupré, premier personnage de ma nouvelle série, Paris des Limbes.
Six mois plus tard, je publiais le Codex de Paris, non sans sueurs froides: mon personnage masculin serait-il crédible? Et mes lectrices me suivraient-elles dans cette nouvelle série?
3 ans et une adaptation audio plus tard, je crois que la réponse est « oui ». Mais je n’en avais pas pour autant terminé avec ce roman. Un personnage secondaire réclamait qu’on raconte son histoire et ses origines. Je m’étais promis de le faire « un jour ». Quand les projets plus urgents m’en laisseraient le temps. Mais les projets n’en finissaient pas de s’enchaîner, et je ne prenais pas le temps. Jusqu’à ce que mon esprit se range du côté de ce personnage secondaire et refuse d’écrire quoi que ce soit d’autre.
J’ai essayé de forcer, décidée à écrire la suite d’Un Casse en Enfer comme promis aux lectrices. En vain, je n’arrivais à rien. J’ai dû céder.
3 mois pour écrire ce petit roman « vite-fait », histoire de me le sortir de l’esprit, et je me remettrais sur des projets plus importants.
Le « petit » roman s’est doté d’intrigues et de points de vue supplémentaires pour devenir mon texte le plus long à ce jour.
J’ai décidé qu’en plus de l’aspect fantastique et de l’enquête policière, j’allais intégrer une romance — ma première.
Non seulement l’histoire allait se dérouler en 1900, mais les deux protagonistes viendraient de cultures différentes (rrom pour elle, japonaise pour lui). Tout cela allait demander un peu de recherche.
Quelques milliers de pages de documentation plus tard, les 3 mois se sont changés en 6, en 9, puis en 11.
Et je ne peux pas dire que j’ai procrastiné, ou que je me suis montrée fainéante. Pendant ces 11 mois, j’ai travaillé à temps plein sur ce roman. Je n’ai pas fait plus de recherches que nécessaire. J’ai même pu gagner du temps sur le volet japonais de l’affaire, puisque la langue et le folklore japonais sont le sujet d’une grande partie de mes études supérieures.
Mais je me suis posé tellement de questions…
J’ai vécu assez longtemps dans Paris, mais la ville a changé depuis l’année 1900. J’ai consulté des plans anciens. Et comment rendre compte de la folie de l’Exposition universelle? Toute une série de romans ne suffirait pas. Pourtant, j’ai amassé assez de vieux guides et d’articles de magazines d’époque pour l’écrire, cette série.
Mais les plus beaux souvenirs de recherches, ce sont les romans de Matéo Maximoff. Cet auteur Rrom n’est malheureusement plus publié, et j’ai dû écumer les sites d’occasion pour me procurer quelques-uns de ses titres. Quelle belle rencontre! Il m’a fait découvrir une culture et un univers merveilleux, et je ne saurai trop recommander ses textes.
Une fois renseignée, il a fallu écrire.
Pour être exacte, ces deux processus (la recherche et l’écriture), je les ai menés en parallèle. L’intrigue dicte ce que je dois trouver comme information, mais ce que je découvre au fil de mes lectures ouvre de nouvelles perspectives dans lesquelles emmener mon histoire. J’ai planifié un roman. J’ai lu. J’ai amendé mon plan. J’ai encore lu. Ajouté une intrigue secondaire. Lu encore. Créé des listes d’événements, des tableaux chronologiques, et collé plus de fiches sur les fenêtres que je n’ose l’avouer. Ajouté un troisième arc narratif. Un nouveau point de vue. Fait de nouvelles recherches… pendant presque un an.
Je me suis lancé des défis. Pour la romance, bien sûr. Mais aussi pour le personnage masculin et le — les — méchants de l’histoire. J’ai tenté quelques techniques d’écriture dans lesquelles il est facile de se prendre les pieds.
Au 10e mois, mon texte « pesait » presque 100 000 mots.
Alors j’ai commencé à le retravailler. Trouver les incohérences et y remédier, développer les points que j’avais à peine esquissés, couper les passages inutiles ou redondants…
Le roman s’est un peu allégé. Je l’ai encore une fois corrigé. Relu une dernière fois. Et je me suis mise à la recherche de mes premières lectrices.
Depuis que j’ai commencé à publier, j’ai la chance d’avoir d’extraordinaires bêta-lectrices à mes côtés. Et cette fois comme les autres, elles ont répondu à mon appel. En 15 jours elles ont lu le mastodonte et fait remonter des commentaires de fond comme de forme.
Pendant qu’elles effectuaient ce travail de fourmi, je préparais une parution hors-norme. En plus des défis liés à l’écriture, j’avais décidé de proposer une édition grand format avec une couverture cartonnée, un verni sélectif, des illustrations pour les têtes de chapitre et au fil du texte. Bref, le grand jeu.
Dans une de mes précédentes carrières, je suis tombée amoureuse de beau travail d’imprimerie. En tant qu’autrice indépendante tributaire de l’impression à la demande, je suis toujours un peu frustrée. (Entendons-nous bien. L’impression à la demande représente une révolution, et sans elle je n’en serais pas là où je suis aujourd’hui. Mais parfois c’est bien de pouvoir fignoler une édition.)
Avec Le Palais des Illusions, j’ai voulu me — et vous — faire plaisir.
Mais bien sûr, cette version ne peut pas être proposée sur Amazon (encore une fois, pour la vente en ligne je reste tributaire de l’impression à la demande). J’ai donc organisé une campagne de précommande sur Ulule, tout en prévenant les lectrices et lecteurs: l’édition collector paraîtrait en avant-première, et une édition « normale » (au format poche de tous mes autres romans sur Amazon) suivrait deux mois plus tard.
« Deux mois plus tard », c’est le 15 mai.
Voilà, nous y sommes presque. Après plus d’un an de travail, de découvertes et de questionnement.
Dans Le Palais des Illusions, j’ai pris des risques. Celui d’écrire du point de vue d’une culture stigmatisée et marginalisée, une culture qui n’est pas la mienne. Ai-je rendu justice à Cali la jeune Rrom? Ai-je su rendre compte du choc inévitable quand les mondes nomades et sédentaires se rencontrent? Ai-je su éviter la généralisation abusive ou suis-je tombée tête la première dans les clichés?
L’avenir me le dira.
L’ebook du Palais des Illusions est en précommande. Il rejoindra les liseuses le 15 mai. D’ici là, je vais continuer à me poser ces questions.