Novembre 2018, j’ai effectué mon premier voyage professionnel en tant qu’autrice indépendante.
En quoi peut bien consister un voyage pro pour une personne dont le travail est en gros de s’asseoir devant son clavier pour inventer des mondes?
Une autrice peut faire le déplacement pour assister ou participer à un festival.
Une autrice peut partir à la découverte d’un endroit dans lequel elle veut situer l’action d’un roman, pour repérer les lieux et s’imprégner de l’atmosphère.
Elle peut faire le déplacement pour lancer une nouvelle publication.
Elle peut, comme n’importe quel professionnel, assister à une conférence de son industrie.
En l’occurrence, j’ai fait tout cela en un seul voyage. (Si ça c’est pas de l’efficacité!)
3 novembre 2018, je prends l’avion en compagnie de Charlotte Munich. Destination: Las Vegas.
Pendant 2 jours nous arpentons la ville, prenons des photos, parlons de nos personnages, imaginons des scénarios. C’est la phase « repérage » de notre voyage. À ce moment-là et malgré le décalage horaire, nos cerveaux tournent à 100 à l’heure sur les histoires que nous allons écrire dans les mois à venir.
5 novembre: nos romans (Un pour Taper sur l’Autre de Charlotte et Secrets Magiques pour moi) sont publiés en France. Nous communiquons au maximum malgré le décalage horaire et la distance qui nous sépare de nos lectrices.
Nous postons des photos de nos livres « in situ », nous attirant au passage des regards soupçonneux des croupiers qui se demandent ce que nos bouquins font sur leurs tables de jeu. Notre esprit est concentré sur les livres qui viennent de paraître, et l’accueil que leur réservent nos lectrices et lecteurs.
6 novembre: début de notre première conférence en tant qu’autrices indépendantes. 700 personnes dans la salle, et sur scène des auteurs qui gagnent autant (si ce n’est plus) que les grands noms des maisons d’édition. Leur énergie est contagieuse, leur enthousiasme pour le métier réchauffe le coeur. L’ambiance est à la fois studieuse et bon enfant.
La conférence démarre sur les chapeaux de roue. Au fil des heures on parle conventions de genre, taille de lectorat, techniques d’écriture et de marketing. Les intervenants sont enthousiasmants, les autres participants hyper chaleureux. Tout le monde est ravi d’être là, avec comme but de propulser sa carrière au niveau supérieur. Le soir, nous nous retrouvons avec d’autres auteurs de SFFF pour poursuivre la conversation autour du dîner. La nourriture est médiocre, mais la conversation compense largement.
7 novembre: Sur la scène principale, les intervenants se succèdent et ne se ressemblent pas. Michael LaRonn conseille les auteurs à temps partiel. Lui-même est soumis à un emploi du temps de ministre, et rédige ses romans sur son téléphone portable, par petits bouts, dès qu’il a cinq minutes. Ses explications me ramènent à l’époque où je faisais la même chose, et me motivent à mieux exploiter mes journées, maintenant que j’écris à temps plein.
Après Michael LaRonn, Dean Wesley Smith prend la parole. Lui n’écrit pas sur son smartphone: quand il a commencé sa carrière, on utilisait encore des machines à écrire. Il nous livre ses conseils, avec plus de quarante ans d’expérience. L’audience boit ses paroles.
Dans les salles annexes, on discute graphisme de couvertures ou techniques de dictée. Les questions fusent. Parfois les conseils émergent directement du public. Nous sommes tous là pour nous entraider. Pas question de faire de la rétention d’information. Trucs et astuces circulent librement. Le soir, nouveau dîner, cette fois avec les auteurs de post-apocalypse. La conversation est merveilleuse (même la serveuse nous écoute avec délectation, et finit par prendre part à la discussion). Je tiens tête à la fatigue pour en profiter au maximum. Et je repars avec une masse de conseils de lecture. Après tout, avant d’être auteurs, nous étions tous (et sommes encore) des lecteurs passionnés.
8 novembre: troisième et dernier jour de conférence. On débute à 7h45. Malgré l’heure matinale, la salle est pleine comme un oeuf et le public plus studieux que jamais. La conférence se termine à midi, mais nous restons sur place: l’après-midi, une partie des auteurs a installé des stands pour exposer leurs publications. C’est un mini salon du livre, et nous en profitons pour discuter encore entre collègues. Quand on nous met à la porte de la salle, nous déplaçons les conversations au bar de l’hôtel. Personne ne veut mettre fin aux échanges, mais nous avons tous des avions à prendre, et des claviers qui nous attendent chez nous. Nous repartons avec une grosse dose d’enthousiasme, une belle réserve de nouveaux contacts, et des listes de choses à essayer plus longues que le bras.
Si je devais résumer cette conférence en un seul mot, je choisirais « entraide ». Les auteurs indépendants présents forment une communauté soudée et solidaire. Une raison de plus d’aimer ce métier.